« Festival de Royan, entre deux eaux, le premier jour, concert de jeune musique électroacoustique. Salle peu appropriée, on n’entend rien, interruption par des interviews ORTF… Une belle surprise, quand même : Cri de Jacques Lejeune, un climat trouble, de vieux souvenirs qui paraissent et s’estompent. Du très beau travail »
Jean-Michel Damian in Politique-Hebdo (13-04-72)
« Issu de la dernière génération, Jacques Lejeune tente, lui, de concilier, à l’intérieur d’une vision stricte de l’œuvre, un attrait pour l’anecdotique et sa délimitation spécifiquement musicale ; le choix du matériau, anecdotique ou non, est aussi minutieux que l’organisation qui lui est appliquée ; la confrontation des deux mondes apparemment exclusifs, celui des sensations, des impressions et celui de la nécessité de délimiter, circonscrire afin d’éviter l’anarchique, qui pourrait détruire l’œuvre en projet, est une constante chez lui… ».
Jean-Yves Bosseur in Révolutions musicales (1975)
«Jacques Lejeune traverse souvent le tissu musical comme un paysage créant ainsi un déroulement des couleurs, des lieux et des événements sonores qui lui est propre. Il affectionne le cycle, le cercle, l’éternel recommencement du mythe jamais vaincu. La matière sonore et la matière humaine du vécu se confrontent, s’unissent au-delà des processus musicaux… ».
A propos de Parages Alain Morin (1977)
« Lejeune Jacques, compositeur français (Talence 1940). Membre, depuis 1968, du Groupe de Recherches Musicales de l’I.N.A., à Paris, il y poursuit la réalisation d’œuvres de musique électroacoustique marquées par une recherche de synthèse et de cohabitation entre les sons empruntés à la vie quotidienne et aux phénomènes naturels, et des matériaux abstraits sonores plus abstraits. Il excelle surtout à construire dans l’espace, à « orchestrer » des paysages sonores aux perspectives nettes et bien dessinées… »
in Dictionnaire Larousse (1982)
«Les sons ensembles en gerbes, en troupeaux, en foules, en symphonies, végétales, volatiles, humaines – c’est bien ce qui caractérise la musique de Jacques Lejeune, son univers paysager, son enfance, le peuplement des visages de son monde. Un monde d’avant les noms, d’avant la forme. L’état non pas des choses mais de leurs précipitation, animation, perpétuation. Au bord des choses : leurs manières de s’éveiller à l’existence, leurs matins (pour prendre les mots des musiques de Lejeune et en jouer…)
Simple et complexe, abstrait-concret, pur-impur, sacré ou profane, voici les champs de l’expérience de Jacques Lejeune… »
François Bayle (1988) in préface de l’exposition Jacques Lejeune
«Francis Ponge, dans le domaine de la poésie, nous a fait redécouvrir le poids et l’intensité des mots. Fautrier a su à propos des œuvres de Ponge, nous faire découvrir la densité de la matière en même temps que l’éclat de sa couleur. Jacques Lejeune, à partir d’un texte qui a été source d’innombrables chefs d’œuvre musicaux, nous fait redécouvrir l’extraordinaire force des mots à travers une musique fluide, cristalline, où le va-et-vient entre tensions et apaisements n’est autre que le rappel des forces cachées à la source de toute vie. »
Gérard Authelain (1988)
« S’il est un titre emblématique de l’œuvre de Jacques Lejeune, c’est Symphonie au bord d’un paysage. La symphonie elle-même, très brillamment, semble une illustration didactique du propos. Du propos : Lejeune travaille l’osmose des deux grands plans du musical : le poétique et le plastique (le formel). Comme personne, il poursuit la fusion du son avec le sens. En fait, plutôt, le matériau de sa musique, il tient à le puiser dans ce qu’il appelle « un tout perpétuel ». Et c’est cela la symphonie avec le paysage : c’est le tout, le Grand tout, j’en ai peur. Il veut, dans sa musique, la musique et le monde. Il faut pourtant le résorber ce monde, ce paysage. Et comment résorber un paysage ? Comment le contenir, le phagocyter, le rendre comestible en musique ? Cette question, toute l’œuvre de Lejeune la pose et la résout. Il me semble avec un bonheur croissant. Ses ambiguïtés, ses astuces d’écriture, toujours plus « naturelles » et invisibles, sont un défi à l’analyse… »
Jean-Christophe Thomas (1988)
«Le réel et l’imaginaire se côtoient dans une relation antagoniste et paradoxalement unifiante. Ainsi, et c’est le privilège de l’électroacoustique, la voix humaine se transforme et est entraînée dans un processus de métamorphoses, qui nous mène du paysage sonore de tout un chacun à celui propre au compositeur. C’est là une conception très typique et personnelle de Lejeune. Dans ce paysage, on chemine entre réalité et imagination ; les divers degrés de métamorphose de la réalité sont révélateurs de l’essence « tératologique » de la musique de Jacques Lejeune. Dans ..Messe aux oiseaux.., comme dans son univers sonore en général, tout semble converger vers une vision totale, fusionnelle, quasi panthéiste. L’homme, l’animal, le végétal, le minéral participent d’une seule réalité et n’en sont que diverses matérialisations ; le propos du musicien est « d’organiser la matière et la tendre vers la représentation-sujet, l’humaniser et y introduire le moi qui regarde et, en parallèle, fondre l’empreinte de l’homme dans l’environnement, l’appréhender comme objet : les différences me semblent là moins importantes que les affinités… ».
Michel Rigoni in Les cahiers du CIREM (1989)
«De la simple fréquence, fond discret laissant à la voix le champ libre, à des agrégats sonores complexes dans leur structure et leur mouvement ou à des interventions musicales à la fois étranges et significatives comme l’étrange choral vaguement orientalisant peu avant la fin, le compositeur explore, avec la voix , autour de la voix, au-delà de la voix les territoires d’un « opéra fabuleux ». En travaillant ce poème d’amour venu du fond des âges, il retourne aux sources du lyrisme. Il érotise l’espace acoustique où le corps absent s’est dissout, répandu. De même qu’il est dans la nature de cette musique d’emplir le vide, du murmure au cri. »
A propos du Cantique des Cantiques, Jacques Bonnaure (1992)
«A la recherche d’un certain lyrisme, le compositeur, adaptant librement le texte biblique du ..Cantique des Cantiques.., ne se contente pas de faire dialoguer l’Aimée et l’Aimé. Le couple d’amoureux est vite entouré par une foule multicolore qui chante, chuchote, crie et applaudit. Cette page grave, où les sons de la guerre, le galop des chevaux et l’incontournable compte à rebours se fond entendre, est colorée souvent d’une nuance orientale, mystérieusement sensuelle. La technologie s’y mêle et les voix, transformées, multipliées, se font accompagner par les sons synthétisés ou concrets, le tout gardant toujours une rigueur retenue. Ce tout qui semble être posé, réfléchi, ample par moments, s’arrête brusquement sans raison apparente comme si la fin de l’œuvre était orchestrée par un ordre venant d’ailleurs. »
Elisabeth Sikora in « Diapason » – mai 1992
«Comme les compositeurs les plus affirmés, il a ses sons de prédilection – le tissu de pépiements aigus de Précipité, la clarté des vibraphones des Trois aperçus– mais aussi le sens de la narration évocatrice. Et là ; il retrouve l’obsession des compositeurs romantiques, toucher la sensibilité, provoquer les sens, créer des images. Est-ce un hasard, à un moment, le cœur de la Messe aux oiseaux proclame les paroles Kyrie Eleison sur le même rythme que Berlioz dans son Requiem ? Est-ce un hasard cette évocation du Pandémonium qui renvoie à la Course à l’abîme de La Damnation de Faust, mais aussi bien au chœur des pirates de Daphnis et Chloé, à Une Nuit sur le Mont-Chauve, à toutes les musiques fantastiques dont Lejeune utilise la rhétorique»
Jacques Bonnaure (1994)
« Clamor meus veniat sorte de thrène où l’on devinerait, même sans le titre de latin, la présence pathétique des voix souffrantes, d’une clameur immense, dans le grand souffle de « bruit blanc » qui fait l’essentiel de son matériau, tantôt écumant – cataracte – et tantôt tiré au cordeau. Cette œuvre très compacte est une réussite poétique, presque effrayante : lugubre, c’est peu dire (sauf l’échappée finale, sublime envol solaire et ornitho-matutinal) mais plus encore dépaysante (au sens métaphysique !) avec ses appels dénudés et sans réponse de « sifflements de mort et de rauques musiques », ses raboteuses et emphatiques mélodies descendantes, par degrés chromatiques carrés sur un instrument d’outre-monde (entre l’orgue éternel et le marteau-piqueur de jugement dernier)… »
Jean-Christophe Thomas in La Lettre du Musicien – juin 1996
«Avec Fragments gourmands, Jacques Lejeune nous a fait une belle surprise. C’est quelqu’un qui ne se répète pas et ouvre à chaque œuvre nouvelle des voies intéressantes et inattendues. Ici le saxophoniste-récitant jongle avec sept saxos, ce qui déjà en soi est très théâtral, en citant des extraits de la Physiologie du goût de Brillat-Savarin. C’est drôle, d’une drôlerie pince sans rire, c’est inquiétant de virtuosité, mais pas seulement. Car la musique elle-même est très vivace et imaginative, peu imitative, à part quelques glouglous et cascades aquatiques épanouies. Le commentaire sonore venu des haut-parleurs dans une esthétique qui tient parfois, mais avec quel raffinement, de la musique pour dessin animé, répond aux sons naturels des saxos. L’ensemble (sons naturels ou artificiels et parole) est parfaitement uni, et l’on peut admirer, jusque dans la brillante péroraison, un sens parfait de la conduite rhétorique et de la composition. ».
Jacques Bonnaure in La Lettre du musicien – juin 1997
«La Seconde Leçon de Ténèbres pour le Mercredi-Saint illustre un genre difficile. Aujourd’hui que les Offices de la Semaine sainte ne sont plus guère suivis et que le clergé se préoccupe de musique liturgique comme de sa première chasuble, de telles œuvres sont « condamnées » à ne servir qu’au concert. Et pourtant – c’est aussi le cas des pages d’inspiration religieuse de Michel Chion – loin de toute facilité, de tout kitsch sacré, de tout « retour à Couperin », ces œuvres me paraissent traduire de manière plutôt accessible les inquiétudes contemporaines dans un langage absolument actuel, y compris par l’emploi de plusieurs langues. La beauté de certains passages est saisissante, le début en particulier avec ces sonorités flûtées suivies d’une sorte de tendre caresse chorale. …l’utilisation de la voix est extrêmement variée, parfois très mélodieuse parfois frémissante d’accents quasi véristes. Si j’étais le pape, je passerais commande à Jacques Lejeune»
Jacques Bonnaure in La Lettre du musicien – juin 1998
«Ecrire une messe en cette fin de 20e siècle est pour un compositeur un pari aussi hardi que complexe en raison d’abord de l’ampleur du texte lui-même avec ses cinq parties nettement articulées. Il faut un souffle de grand bâtisseur pour mener un tel ouvrage de bout en bout en une époque qui a souvent consacré le fragment, la miniature comme modèle esthétique… Jacques Lejeune, quant à lui, est resté fidèle au medium électroacoustique qui est le sien pour composer sa vaste Messe aux oiseaux, une messe ainsi nommée en raison de sa polyphonie très dense, de son entrecroisement de lignes, de chants bigarrés suggérant le fourmillement du monde…»
David Sherchel. Propos sur France-Musique 19 mai 1999
«Lejeune occupe, dans le monde de la musique électroacoustique, une place à part. Il est peut-être le seul dans cette galaxie musicale, à parler, non sans humour, le langage du conte et du rêve, de l’enfance et de l’amour, de la gourmandise et de l’érotisme ».
Jacques Bonnaure, La lettre du musicien – décembre 2000
«C’est du sang qui circule dans les artères. Ce sont des faisceaux de forces jetés, répercutés dans le vide d’un monde détimbré. Violences exacerbées dans des visions expressionnistes qui répondent à l’état d’apocalypse de notre temps, cette pièce est un espace du paroxysme, de la vitalité, d’un voyage dans les tensions permanentes du monde, que le compositeur a su porter jusqu’au bout de sa vie. Mais c’est aussi le désir de retrouver les métamorphoses et les apparitions de la pureté, de la poésie de la vie, où le sang et la musique se superposent, se fécondent et jaillissent cette puissance d’éveil qui consiste à connaître et peut-être même à vénérer ce que notre cœur a de pur, a gardé des origines, a de vivifiant. »
A propos du Théâtres de l’eau, Sonopsys n°3 Alexandre Yterce – Mai-octobre 2005
«…La musique, à la fois rugueuse et touchante, brute et tendre, faite de froissements, d’agitations fébriles, de fourmillants clairs-obscurs, s’étend comme une « forêt électronique » où le matériau est affirmé sans préjudice à ses virtualités imageantes… Un catalogue exhaustif et minutieux, des résumés en anglais, une riche illustration originale font de cette publication précieuse le plus bel hommage qui se puisse rendre à une figure encore trop secrète de la musique d’aujourd’hui… »
Philippe Louvreaud, Bibliothèque(s) – mars 2006